Paul Valéry

Paul Valéry

Ambroise-Paul-Toussaint-Jules Valéry foi um filósofo, escritor e poeta francês da escola simbolista cujos escritos incluem interesses em matemática, filosofia e música.

1871-10-30 Sète, França
1945-07-20 Paris, França
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Le cimetière marin

Le cimetière marin

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,

Entre les pins palpite, entre les tombes;

Midi le juste y compose de feux

La mer, la mer, toujours recommence

O récompense après une pensée

Quun long regard sur le calme des dieux!

Quel pur travail de fins éclairs consume

Maint diamant dimperceptible écume,

Et quelle paix semble se concevoir!

Quand sur labîme un soleil se repose,

Ouvrages purs dune éternelle cause,

Le temps scintille et le songe est savoir.

Stable trésor, temple simple à Minerve,

Masse de calme, et visible réserve,

Eau sourcilleuse, Oeil qui gardes en toi

Tant de sommeil sous une voile de flamme,

O mon silence! . . . Édifice dans lâme,

Mais comble dor aux mille tuiles, Toit!

Temple du Temps, quun seul soupir résume,

À ce point pur je monte et maccoutume,

Tout entouré de mon regard marin;

Et comme aux dieux mon offrande suprême,

La scintillation sereine sème

Sur laltitude un dédain souverain.

Comme le fruit se fond en jouissance,

Comme en délice il change son absence

Dans une bouche où sa forme se meurt,

Je hume ici ma future fumée,

Et le ciel chante à lâme consumée

Le changement des rives en rumeur.

Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change!

Après tant dorgueil, après tant détrange

Oisiveté, mais pleine de pouvoir,

Je mabandonne à ce brillant espace,

Sur les maisons des morts mon ombre passe

Qui mapprivoise à son frêle mouvoir.

Lâme exposée aux torches du solstice,

Je te soutiens, admirable justice

De la lumière aux armes sans pitié!

Je te tends pure à ta place première,

Regarde-toi! . . . Mais rendre la lumière

Suppose dombre une morne moitié.

O pour moi seul, à moi seul, en moi-même,

Auprès dun coeur, aux sources du poème,

Entre le vide et lévénement pur,

Jattends lécho de ma grandeur interne,

Amère, sombre, et sonore citerne,

Sonnant dans lâme un creux toujours futur!

Sais-tu, fausse captive des feuillages,

Golfe mangeur de ces maigres grillages,

Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,

Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,

Quel front lattire à cette terre osseuse?

Une étincelle y pense à mes absents.

Fermé, sacré, plein dun feu sans matière,

Fragment terrestre offert à la lumière,

Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,

Composé dor, de pierre et darbres sombres,

Où tant de marbre est tremblant sur tant dombres;

La mer fidèle y dort sur mes tombeaux!

Chienne splendide, écarte lidolâtre!

Quand solitaire au sourire de pâtre,

Je pais longtemps, moutons mystérieux,

Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,

Éloignes-en les prudentes colombes,

Les songes vains, les anges curieux!

Ici venu, lavenir est paresse.

Linsecte net gratte la sécheresse;

Tout est brûlé, défait, reçu dans lair

A je ne sais quelle sévère essence . . .

La vie est vaste, étant ivre dabsence,

Et lamertume est douce, et lesprit clair.

Les morts cachés sont bien dans cette terre

Qui les réchauffe et sèche leur mystère.

Midi là-haut, Midi sans mouvement

En soi se pense et convient à soi-même

Tête complète et parfait diadème,

Je suis en toi le secret changement.

Tu nas que moi pour contenir tes craintes!

Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes

Sont le défaut de ton grand diamant! . . .

Mais dans leur nuit toute lourde de marbres,

Un peuple vague aux racines des arbres

A pris déjà ton parti lentement.

Ils ont fondu dans une absence épaisse,

Largile rouge a bu la blanche espèce,

Le don de vivre a passé dans les fleurs!

Où sont des morts les phrases familières,

Lart personnel, les âmes singulières?

La larve file où se formaient les pleurs.

Les cris aigus des filles chatouillées,

Les yeux, les dents, les paupières mouillées,

Le sein charmant qui joue avec le feu,

Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,

Les derniers dons, les doigts qui les défendent,

Tout va sous terre et rentre dans le jeu!

Et vous, grande âme, espérez-vous un songe

Qui naura plus ces couleurs de mensonge

Quaux yeux de chair londe et lor font ici?

Chanterez-vous quand serez vaporeuse?

Allez! Tout fuit! Ma présence est poreuse,

La sainte impatience meurt aussi!

Maigre immortalité noire et dorée,

Consolatrice affreusement laurée,

Qui de la mort fais un sein maternel,

Le beau mensonge et la pieuse ruse!

Qui ne connaît, et qui ne les refuse,

Ce crâne vide et ce rire éternel!

Pères profonds, têtes inhabitées,

Qui sous le poids de tant de pelletées,

Êtes la terre et confondez nos pas,

Le vrai rongeur, le ver irréfutable

Nest point pour vous qui dormez sous la table,

Il vit de vie, il ne me quitte pas!

Amour, peut-être, ou de moi-même haine?

Sa dent secrète est de moi si prochaine

Que tous les noms lui peuvent convenir!

Quimporte! Il voit, il veut, il songe, il touche!

Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche,

À ce vivant je vis dappartenir!

Zénon! Cruel Zénon! Zénon dÊlée!

Mas-tu percé de cette flèche ailée

Qui vibre, vole, et qui ne vole pas!

Le son menfante et la flèche me tue!

Ah! le soleil . . . Quelle ombre de tortue

Pour lâme, Achille immobile à grands pas!

Non, non! . . . Debout! Dans lère successive!

Brisez, mon corps, cette forme pensive!

Buvez, mon sein, la naissance du vent!

Une fraîcheur, de la mer exhalée,

Me rend mon âme . . . O puissance salée!

Courons à londe en rejaillir vivant.

Oui! grande mer de délires douée,

Peau de panthère et chlamyde trouée,

De mille et mille idoles du soleil,

Hydre absolue, ivre de ta chair bleue,

Qui te remords létincelante queue

Dans un tumulte au silence pareil,

Le vent se lève! . . . il faut tenter de vivre!

Lair immense ouvre et referme mon livre,

La vague en poudre ose jaillir des rocs!

Envolez-vous, pages tout éblouies!

Rompez, vagues! Rompez deaux réjouies

Ce toit tranquille où picoraient des focs!

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